• Les premières heures du 16 Juin 1815


    Les positions dans la nuit du 15 au 16 juin. 

    Les français


    A  3 heures (ou 5 heures?) du matin dans la nuit du 15 au 16, le maréchal Grouchy, en tant que commandant de la cavalerie de réserve, communique à l'Empereur, via le maréchal Soult les positions  de sa cavalerie à l'issue de la journée du 15 (1):

    -  Grouchy s'est établi au cabaret de Campinaire, à mi-chemin sur la route de Gilly à Fleurus.

    -  Exelmans est à coté à Lambusart et sur la route de Gilly à Fleurus, en avant de Campinaire,

    -  Pajol est à Lambusart et Campinaire,

    -  Kellermann est sans certitude près de Charleroi,

    -  Milhaud doit se trouver près de Charleroi.

    - La Garde Impériale est restée entre Charleroi et Gilly,

    - Le 3eme corps de Vandamme a bivouaqué dans la forêt devant Fleurus

    - La division du général Girard, détachée du 2ème corps de Reille, à la poursuite de Steinmetz, a passé la nuit près de Wangenies, à l'ouest de Fleurus.

    - Le 6eme corps de Lobau est resté derrière Charleroi

    - Le 4eme corps de Gérard se trouve de part et d'autre de Châtelet.

    - D'autre part, l'avant garde du 2eme corps Reille est près de Frasnes-lez-Gosselies, le reste entre Mellet et Gosselies.
     

    -  Le 1er corps d'Erlon est réparti entre Marchienne et Gosselies.

    Par ailleurs, on sait que Napoléon a passé la nuit à Charleroi,
    Il est établi qu'à 9 heures du soir la veille, Napoléon "accablé de fatigue s'est jeté sur son lit pour se reposer quelques heures".


    Les rapports de Grouchy et Ney envoyés à 22h00  sont arrivés au quartier impérial vers minuit, le rapport de Grouchy écrit à 3 heures du matin de Campinaire a dû lui parvenir vers 5 heures.
    Un officier d'ordonnance a été envoyé aux nouvelles à Frasnes-lez-Gosselies, son rapport est daté de 6 heures du matin, il est possible d'en déduire que l'Empereur  était levé dès 4 heures.

    Après une très courte nuit, Grouchy, quant à lui, s'apprête à effectuer l'ordre de l'Empereur de "poursuivre l'ennemi au delà de Fleurus et de Sombreffe", ce qu'il n'avait pu réaliser la veille au soir.


    Lettre de Grouchy à Napoléon écrite à 5 heures le 16 juin depuis Fleurus (2):

    "Je réunis en ce moment mes troupes pour effectuer le mouvement que vous m'avez ordonné sur Sombreffe".
     

    Grouchy avertit également l'Empereur par ce premier message qui doit lui être parvenu entre 6 et 7 heures, que "de fortes colonnes ennemies se dirigeant vers Brie, Saint-Amand (...) paraissent venir par la route de Namur".
    Une heure plus tard il signale de nouveau que, d'après les observations du général Girard situé à Wangenies, les Prussiens se portent en force vers les hauteurs environnant le moulin de Brye (3).

    A ce moment, Grouchy ne dispose sur place que de la moitié de sa cavalerie, (les quatre divisions de Pajol et Exelmans soit 5.300 cavaliers ) et du seul 3ème corps de Vandamme (17.000 hommes), plus éventuellement les 4.000 hommes de la division Girard.


    Les Prussiens:


    En effet, les troupes de Zieten (1er corps) ont fait une lente retraite depuis la veille  vers le lieu de repli prévu par Blücher, à savoir Sombreffe.
    Celui-ci avait écrit à Wellington la veille à midi "L'armée sera rassemblée demain dans la position de Sombreffe où j'ai l'intention d'accepter le combat."

    Ainsi dès 8h00, les 29.000 hommes de Zieten sont en position et retranchés dans  trois villages:


    La 1ère brigade Steinmetz  se trouve en arrière du village de Saint-Amand
    La 2ème brigade Pirch2 est en réserve derrière le moulin de Bussy(4) , près de Brye
    La 3ème brigade Jagow se positionne dans le village de Brye
    La 4ème brigade Henckel est à Ligny avec l'artillerie
    La cavalerie de réserve est en arrière à droite de Ligny.

    Entre 9h00 et 10h00, le 2ème corps de Pirch1 (30.000 hommes) arrive par la route de Namur et prend position au nord de Brye sur la chaussée romaine.

    Puis vers 11h00, c'est le 3ème corps de Thielmann (23.000 hommes) qui arrivera à Sombreffe et prendra position à l'est, sur la route pavée entre Sombreffe et le village de Tongrinne.

     

    Les ordres de mouvement de Napoléon


    Les rapports de Grouchy ne semblent pas avoir alarmé Napoléon qui pense toujours ne devoir affronter qu'un seul corps d'armée Prussien à Sombreffe, comme le laisse penser les ordres qu'il lui fait expédier à 8 heures:
    "...Comme je vous l'ai dit, je serai de dix à onze heures à Fleurus. Envoyez-moi des rapports sur tout ce que vous apprendrez. Veillez à ce que la route de Fleurus soit libre. Toutes les données que j'ai sont que les Prussiens ne peuvent point nous opposer plus de 40.000 hommes." (6)


    Les ordres donnés à Ney (5):

    Napoléon à Ney, 16 juin, 08.00 hrs
    « Mon cousin, je vous envoie mon aide de camp, le généraI Flahaut, qui vous porte la présente lettre. Le major général a dû vous donner des ordres, mais vous recevrez les miens plus tôt, parce que mes officiers vont plus vite que les siens. Vous recevrez l’ordre de mouvement du jour, mais je veux vous en écrire en détail, parce que c’est de la plus haute importance.
    « Je porte le maréchal Grouchy avec les 3° et 4° corps d’infanterie sur Sombreffe ; je porte ma Garde à Fleurus, et j’y serai de ma personne avant midi. J’y attaquerai l’ennemi si je le rencontre, et j’éclairerai la route jusqu’à Gembloux. Là, d’après ce qui
    se passera, je prendrai mon parti peut-être à 3 heures après midi, peut-être ce soir. Mon intention est que, immédiatement après que j’aurai pris mon parti, vous soyez prêt à marcher sur Bruxelles. Je vous appuierai avec la Garde, qui sera à Fleurus ou à Sombreffe, et je désirerais arriver à Bruxelles demain matin. Vous vous mettriez en marche ce soir même, si je prends mon parti d’assez bonne heure pour que vous puissiez en être informé de jour et faire ce soir trois ou quatre lieues et être demain à 7 heures du matin à Bruxelles.
    « Vous pouvez donc disposer vos troupes de la manière suivante : « Première division, à deux lieues en avant des Quatre-Chemins, s’il n’y a pas d’inconvénient ; six divisions d’infanterie autour des Quatre-Chemins, et une division à Marbais, afin que je puisse l’attirer à moi à Sombreffe, si j’en avais besoin ; elle ne retarderait d’ailleurs pas votre marche.
    « Le corps du comte de Valmy, qui a 3000 cuirassiers d’élite, à l’intersection du chemin des Romains et de celui de Bruxelles, afin que je puisse l’attirer à moi si j’en avais besoin. Aussitôt que mon parti sera pris, vous lui enverrez l’ordre de venir vous rejoindre.
    « Je désirerais avoir avec moi la division de la Garde que commande le général Lefebvre-Desnoëttes., et je vous envoie deux divisions du corps du comte de Valmy pour la remplacer. Mais, dans mon projet actuel, je préfère placer le comte de Valmy de manière à le rappeler si j’en avais besoin, et ne point faire faire de fausses marches au général Lefebvre-Desnoëttes, puisqu’il est probable que je me déciderai ce soir à marcher sur Bruxelles avec la Garde. Cependant couvrez la division Lefebvre par les divisions de cavalerie d’Erlon et de Reille, afin de ménager la Garde : s’il y avait quelque échauffourée avec les Anglais, il est préférable ce soit sur la ligne que sur la Garde.
     « J’ai adopté comme principe général, pendant cette campagne, de diviser mon armée en deux ailes et une réserve. Votre aile sera composée des quatre divisions du 1er corps, des quatre divisions du 2ème corps, de deux divisions de cavalerie légère et de deux divisions du corps du comte de Valmy. Cela ne doit pas être loin de 45 à 50 000 hommes.
    « Le maréchal Grouchy aura à peu près la même force et commandera l’aile droite. « La Garde formera la réserve, et je me porterai sur l’une ou l’autre aile, selon les circonstances. « Le major général donne les ordres les plus précis pour qu’il n’y ait aucune difficulté sur l’obéissance à vos ordres lorsque vous serez détaché, les commandants de corps devant prendre mes ordres directement quand je me trouve présent.
    « Selon les circonstances, j’affaiblirai l’une ou l’autre aile, en augmentant ma réserve.
    « Vous sentez assez l’importance attachée à la prise de Bruxelles. Cela pourra d’ailleurs donner lieu à des incidents, car un mouvement aussi prompt et aussi brusque isolera l’armée anglaise de Mons, Ostende, etc. Je désire que vos dispositions soient bien faites, pour qu’au premier ordre vos huit divisions puissent marcher rapidement et sans obstacles sur Bruxelles. »

    les ordres donnés à Grouchy (6) :

    Napoléon à Grouchy, le 16 juin à 8.00h


    "Mon cousin, je vous envoie Labédoyère, mon aide de camp, pour vous porter la présente lettre. Le major général a dû vous faire connaitre mes intentions; mais comme il a des officiers mal montés, mon aide de camp arrivera peut-être avant.
    Mon intention est que, comme commandant l'aile droite, vous preniez le commandement du 3° corps que commande le général Vandamme, du 4° corps que commande le général Gérard, des corps de cavalerie que commandent les généraux Pajol, Milhaud et Exelmans; ce qui ne doit pas faire loin de 50.000 hommes. Rendez-vous avec cette aile droite à Sombreffe. Faites partir en conséquence, de suite, les corps des généraux Pajol, Milhaud, Exelmans et Vandamme, et, sans vous arrêter, continuez votre mouvement sur Sombreffe. Le 4° corps, qui est à Châtelet, reçoit directement l'ordre de se rendre à Sombreffe sans passer par Fleurus. Cette observation est importante, parce que je porte mon quartier général à Fleurus et qu'il faut éviter les encombrements. Envoyez de suite un officier au général Gérard pour lui faire connaitre votre mouvement, et qu'il exécute le sien de suite.
    Mon intention est que tous les généraux prennent directement vos ordres; ils ne prendront les miens que lorsque je serai présent. Je serai entre dix et onze heures à Fleurus; je me rendrai à Sombreffe, laissant ma garde, infanterie et cavalerie, à Fleurus; je ne la conduirais à Sombreffe qu'en cas qu'elle fût nécessaire. Si l'ennemi est à Sombreffe, je veux l'attaquer; je veux même l'attaquer à Gembloux et m'emparer aussi de cette position, mon intention étant, après avoir connu ces deux positions, de partir cette nuit et d'opérer avec mon aile gauche, que commande le maréchal Ney, sur les Anglais. Ne perdez donc point un moment, parce que plus vite je prendrai mon parti, mieux cela vaudra pour la suite de mes opérations. Je suppose que vous êtes à Fleurus. Communiquez, constamment avec le général Gérard, afin qu'il puise vous aider pour attaquer Sombreffe, s'il est nécessaire.
    La division Girard est à portée de Fleurus; n'en disposez point à moins de nécessité absolue, parce qu'elle doit marcher toute la nuit. Laissez aussi ma jeune Garde et toute son artillerie à Fleurus.
    Le comte de Valmy (Kellermann), avec ses deux divisions de cuirassiers, marche sur la route de Bruxelles; il se lie avec le maréchal Ney, pour contribuer à l'opération de ce soir, à l'aile gauche.
    Comme je vous l'ai dit, je serai de dix à onze heures à Fleurus. Envoyez-moi des rapports sur tout ce que vous apprendrez. Veillez à ce que la route de Fleurus soit libre. Toutes les données que j'ai sont que les Prussiens ne peuvent point nous opposer plus de 40.000 hommes."


    Le résumé de ces instructions nous permet d'entrevoir un peu mieux le plan qui se dessine:

    1) Il est pour la première fois question de la division des forces en deux ailes et une réserve, et du commandement de l'aile droite par Grouchy. (de nombreuses polémiques ont agité les historiens concernant ces deux points, la stratégie très préméditée des deux ailes, et le fait de confier plus ou moins tôt l'aile droite à Grouchy...)

    2) L'aile gauche de Ney doit rassembler les 8 divisions d'infanterie des 1er et 2ème corps, leurs deux divisions de cavalerie légère ( Jacquinot et Piré) ainsi que les deux divisions de cavalerie lourde de Kellermann (que Napoléon lui échange avec  la cavalerie légère de La Garde de Lefebvre-Desnouettes qui était restée sur Gosselies), soit environ 45.000 hommes.

    3) Ney doit occuper le carrefour dit des "Quatre-Bras" sur les routes Namur/Nivelles et Charleroi/Bruxelles.

    4) Napoléon et la Garde prévoit de le rejoindre dans l'après-midi ou le soir, dès qu'il  en a terminé avec l'aile droite et les Prussiens... (il y a 12 km à parcourir entre Sombreffe et Quatre-Bras, ou 15 km depuis Fleurus, soit environ 4 heures de marche)

     L'objectif  principal est  clairement la prise rapide de Bruxelles:

    5) Ney  devra avancer dès le soir de 10 à 15 km vers Bruxelles pour y être dès le lendemain à 7 heures ( 30 km en tout de Quatre-Bras à Bruxelles, soit une dizaine d'heures de marche...)

    6) L'aile droite de Grouchy doit rassembler  les 6 divisions d'infanterie des 3ème et 4ème corps, leurs 2 divisions de cavalerie (Domon et Maurin) ainsi que les 6 divisions de la cavalerie de réserve (Milhaud, Pajol, Exelmans), soit près de 50.000 hommes.

    7) Grouchy doit rapidement faire mouvement vers Sombreffe où le rejoindra le 4ème corps Gérard et ses 14.000 hommes.

    8) Napoléon sera à Fleurus entre 10 et 11 heures avec la Garde et compte passer à l'attaque à Sombreffe d'un seul corps d'armée Prussien de 40.000 hommes maximum... ("Toutes les données que j'ai sont que les Prussiens ne peuvent point nous opposer plus de 40.000 hommes")

     

    Sources & notes:

    (1) original au Service Historique de la Défense (S.H.D.) n° C15 n°5.
    (2) copie au S.H.D n° C15, n°5, il existe seconde version du courrier datée de 6 heures.
    (3) copie au S.H.D C15 n°5 et Pierart, Z.J "Le drame de Waterloo" p.148
    (4) aussi appelé Moulin de Brye, Moulin de Winter, situé au nord de Ligny, entre Brye et Wagnelée.
    (5) ordre 22058 "Correspondance de Napoléon 1er" tome 28 - p289
    (6) ordre 22059 "Correspondance de Napoléon 1er" tome 28 - p291


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